A quelques jours de la conférence mondiale sur le changement climatique (COP 25), les inquiétudes des experts relatives à la multiplication des événements météorologiques extrêmes ont un amer goût de vérité. Le week-end du 23-24 novembre, les départements du Var et des Alpes-Maritimes ont été touchés par des pluies diluviennes provoquant de nombreux dégâts. Pour l'assureur mutualiste Groupama, le montant des dommages causés par les inondations, dont l'évaluation finale n'a pas encore été arrêtée, oscillerait entre 30 et 50 millions d'euros. Plusieurs personnes ont également trouvé la mort.
Cet événement météorologique hors norme n'est qu'une illustration des diverses manifestations de catastrophes naturelles (sécheresse, mouvements de terrain, cyclones et ouragans, séismes, avalanches et événements liés au volcanisme).
Dans le monde, elles ont provoqué la mort ou la disparition de plus de 5.000 personnes et généré 40 milliards de dollars de pertes au premier semestre de l'année 2019, selon les estimations du réassureur Swiss Re. Un montant en hausse de 8 milliards de dollars par rapport à la même période l'année dernière.
Au-delà de cette évolution semestrielle, les experts s'attendent à une multiplication et une intensification de ces événements extrêmes dans un contexte de réchauffement climatique. Dans un monde à +1,5°C, les épisodes de fortes précipitations seront plus fréquents, intenses et/ou abondants, selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec). La fréquence et l'intensité des sécheresses devraient aussi augmenter.
En France, un rapport du Sénat estime que "d'ici 2050, le montant des sinistres liés aux catastrophes naturelles va augmenter de 50%, à cause du climat et de la concentration de la population dans des zones à risques". Ce même rapport, rendu public au début du mois de juillet dernier, préconise une réforme du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, le régime "CatNat", né en 1982 et jugé inadapté dans un contexte de bouleversement climatique. Il pointe notamment du doigt les critères pris en compte pour définir une catastrophe naturelle et les seuils à partir desquels cette situation est décidée.
Seul hic ? Cette réforme, mise sur les rails il y a plus d'un an, piétine. Elle devait intervenir au plus tard à l'été 2019. C'était la promesse d'Emmanuel Macron lors d'un déplacement aux Antilles, un an après le passage dévastateur de l'ouragan Irma. Le chef de l'Etat avait alors promis « un système plus rapide, plus généreux, mais aussi plus incitatif », sans entrer davantage dans les détails. Mais à la veille de l'année 2020, la réforme ne s'est toujours pas traduite dans les faits et une accélération du calendrier législatif apparaît peu probable.
"Au-delà des sujets de fond, nous sommes face à un calendrier législatif qui est totalement pris. Nous le voyons sur certains sujets que nous essayons de faire avancer. Aujourd'hui, nous nous appuyons essentiellement sur des 'cavaliers législatifs' ou des amendements pour porter des dossiers. Les pouvoirs publics sont pris par d'autres dossiers. Je ne sais pas si, d'ici la fin du quinquennat, nous verrons une évolution du régime catastrophes naturelles", a confié Adrien Couret, nommé en mai dernier directeur général de la Macif à 35 ans, en marge d'une conférence organisée par l'association des assureurs mutualistes (AAM).
Dans notre pays, la garantie contre les catastrophes naturelles est incluse systématiquement dans les contrats d'assurance dommages de biens, rappelle le cabinet Optimind dans sa publication Impact du changement climatique sur l'assurance Iard (Incendie, Accidents et Risques Divers). La garantie est couverte par le paiement d'une surprime calculée à partir d'un taux fixé par l'Etat. Il est le même quel que soit le degré d'exposition du bien aux risques : c'est le principe de solidarité nationale.
Concrètement une personne qui habite au 3ème étage d'un appartement parisien paye la même somme qu'une personne qui habite une maison au bord d'une rivière, dont les risques d'inondation sont beaucoup plus élevés. "Les villes payent pour les campagnes", résume Thierry Martel, directeur général de Groupama et président de l'AAM, peu convaincu toutefois de l'urgence de repenser ce système redistributif à l'heure où le sentiment d'injustices territoriales est à son plus haut niveau.
Mais, conserver cette approche n'encourage ni la prévention, ni la dissuasion de construire en zone inondable. Or, "une partie substantielle des conséquences des catastrophes naturelles est liée au fait qu'on a laissé construire en zones inondables", a rappelé Thierry Martel, soulignant "les légèretés" commises par certains élus locaux.
Dans la réglementation, il existe bien un mécanisme de modulations des prix en fonction de la sinistralité. En cas de sinistres répétitifs et si la commune n'est pas dotée d'un plan de prévention, l'assuré devra payer une franchise plus élevée. "Elle sera doublée au troisième arrêté constatant la catastrophe, triplée au quatrième et quadruplée pour les arrêtés suivants", détaille le site de la Fédération française de l'assurance (FFA). "Mais en pratique, sur le terrain, ces modulations ne sont pas recevables", pointe le président de l'AAM. "La pression sur les élus locaux ne doit pas passer par l'assuré", complète-t-il. "Il faudrait trouver un axe qui permette de mobiliser les assurés pour, qu'au moment des élections, ils sanctionnent les comportements d'un élu local", avance Sylvain Mortera, directeur général du groupe Areas Assurances.
Suite à la tempête Xynthia de février 2010, René Marratier, alors maire de la Faute-sur -Mer (Vendée), a été condamné en appel, en matière pénale, à deux ans de prison avec sursis et à une interdiction définitive d'exercer toute fonction publique, pour "homicides involontaires" et pour "mise en danger de la vie d'autrui". Il avait été mis en cause dans la gestion des permis de construire de la commune.
Juliette Raynal (La Tribune)
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